Haute-Savoie - N°65 - Décembre/Janvier 2007

Climat : la montagne, en première ligne

Pour l’Association nationale des élus de montagne, réunie dans les Vosges à l’occasion de son xxiiie congrès, l’heure n’est plus au constat mais bien à l’action !

 

AR65-2.jpgPar-delà les clivages politiques, par-delà les massifs… Le débat sur l’avenir de la montagne doit se départir de tout clanisme. Un diktat d’autant plus impérieux que le changement climatique a encore assombri le tableau. Dans un imposant rapport, présenté lors de son xxiiie congrès, dans les Vosges les 25, 26 et 27 octobre, l’ANEM (Association nationale des élus de montagne) constate les dégâts mais surtout anticipe, en jetant, à travers 21 propositions concrètes, les bases d’une «nouvelle montagne».

«Nous devons préparer nos territoires et nos populations à ce qui va se passer au cours des 30 ou 40 prochaines années», martèle Martial Saddier, député-maire de Bonneville et président de l’ANEM.

 

 

JdP – Les changements climatiques affectent toute la planète. Mais l’impact en montagne semble encore exacerbé…

AR65-3a.jpgMartial Saddier – Effectivement. Dans notre rapport, nous reprenons le constat effectué au siècle dernier. Les chiffres montrent bien que les bouleversements sont encore plus rapides et plus intenses en zone de montagne qu’ailleurs. Si l’augmentation de la température est de 0,6 °C en moyenne, dans les Alpes, elle a été de 1,2 °C ! Tous les résultats vont dans le même sens et il est donc urgent de se saisir de la chose. Voilà pourquoi j’ai souhaité placer l’ANEM dans une dynamique de propositions.

Ces 21 propositions [lire encadré], à qui les adressez-vous ?

Aux pouvoirs publics mais aussi aux privés, aux sociétés de remontées mécaniques, etc. Ce travail doit dépasser les clivages politiques. L’Etat ne peut régler seul les problèmes mais nous attendons de lui qu’il réunisse tous les acteurs autour de la table. Et nous avons été entendus. Lors du congrès de l’ANEM, Luc Chatel, le secrétaire d’Etat chargé de la Consommation et du Tourisme, a annoncé la tenue prochaine des Assises du tourisme de montagne.

Parmi vos vecteurs de travail : l’habitat et le transport.

Nous devons améliorer la desserte des zones touristiques, sans rupture de charge. Notre idée est de défendre le concept de stations en site propre, desservies par des ascenseurs, des trams-trains, tout en sachant que cela nécessite une réorientation des budgets. Au niveau de l’habitat, il est essentiel de revoir notre copie, non seulement pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre mais aussi pour améliorer la compétitivité de la destination montagne. Quand nous voyons la qualité de l’accueil dans certains endroits…

Petites et grandes stations réagissent-elles de la même manière face à la «menace» ?

La même attitude se retrouve un peu partout. De l’extérieur, certains pourraient penser que la Haute-Savoie semble à l’abri. Ce n’est pas le cas. Plus que jamais, il faut arrêter de penser «station» mais plutôt vallée ou regroupement de stations. Ce qui permet, dans l’offre, d’allier des sites de basse, de moyenne et de haute altitude. Restons aussi lucides sur ces trois catégories de stations : les plus hautes perdureront, les intermédiaires devraient, elles, connaître un hiver sur trois ou sur quatre sans neige. Quant aux plus basses, «handicapées» par leur altitude, leur position, leur ensoleillement ou leur incapacité de liaison avec les plus hautes, certaines seront a priori condamnées. Personnellement, j’en vois au moins une douzaine.

Le spectre de l’hiver 2006-2007 vous hante-t-il toujours ? Dans quel état d’esprit abordez-vous cette nouvelle saison ?

L’hiver dernier a forcément marqué les esprits. Mais notre travail à l’ANEM reste résolument inscrit dans le structurel et non pas dans le conjoncturel. Aucun massif ne peut se prétendre à l’abri d’un hiver sans neige. Nous le savons, mais nous devons nous préparer à moyen et long terme à cette évolution du climat. Nous ne devons plus nous cantonner à une vision hivernale de la montagne mais bien l’appréhender 365 jours par an. Dans cette perspective, le réchauffement est, certes, un handicap l’hiver, mais il peut devenir un atout pour la destination touristique estivale, avec le côté fraîcheur, nature, air pur, santé, que les populations urbaines et méridionales seront «obligées» de venir chercher dans les hauteurs.

Parlant de hauteurs, le prix Nobel de la paix attribué à l’ancien vice-président américain Al Gore et aux experts du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) devrait encore sensibiliser davantage les foules à la problématique du dérèglement climatique.

C’est un signe fort. Aujourd’hui, s’il y a encore débat sur l’intensité du réchauffement et la rapidité avec laquelle il va s’effectuer, la question de l’évolution climatique est, elle, entendue. Pour ma part, je pense que les conséquences iront encore au-delà de ce qu’on peut imaginer. Donc, forcément, ce Nobel est une bonne chose, tout comme le Grenelle de l’environnement.

A propos du Grenelle, même si vous y êtes intervenu, l’ANEM n’avait pas été conviée ès qualités. Le regrettez-vous ?

Oui et non. Le gouvernement devait faire des choix. A partir du moment où l’ouverture à la territorialité posait un énorme problème, je peux comprendre que l’ANEM n’ait pas été invitée à la table des discussions. Cette initiative a été un temps fort de la démocratie écologique. Pour moi il y a désormais un avant et un après Grenelle, au niveau des mentalités. Dorénavant chaque décision, à tout niveau, doit être prise en mettant sur un pied d’égalité les hommes et les femmes, l’économie et l’environnement.

Selon vous, la spécificité «montagne» est-elle désormais bien identifiée sur un plan politique ?

Dans le traité simplifié qui est la base de la future Constitution européenne, la montagne est reconnue comme étant un territoire spécifique, notamment en matière de handicap. Les élus de la montagne se sont toujours battus pour cette reconnaissance. C’est donc une belle victoire pour l’ANEM.

 

Photo d'illustration : Michel Hasson

Photo de M. Saddier: Denis Betsch / Anem

 


 

21 propositions pour entrevoir l’avenir différemment

 

1. Créer une dotation spécifique aux territoires à haute valeur environnementale au sein de la Dotation globale de fonctionnement

2. Soutenir les missions environnementales de l’agriculture

3. Entretenir les alpages par le soutien au pastoralisme et gérer la ressource en eau, en altitude

4. Valoriser les productions agricoles en protégeant les labels et les appellations d’origine

5. Dynamiser la filière bois en montagne avec de nouveaux débouchés

6. Soutenir les collectivités de montagne qui souhaitent investir dans la production d’énergie à partir de biomasse

7. Promouvoir l’approche territoriale de l’offre touristique

8. Requalifier l’immobilier touristique et l’adapter au changement climatique

9. Soutenir les mutations du secteur hôtelier

10. Renouveler les formes d’accueil en montagne

11. Agir globalement sur l’habitat des populations permanentes

12. Développer les transports en commun pour les déplacements locaux et touristiques

13. Mettre en place une veille active sur les risques naturels

14. Préserver la ressource en eau

15. Relancer la recherche sur les essences sylvicoles pour maintenir l’exploitation forestière en montagne

16. Diversifier l’offre touristique hivernale

17. Créer un Fonds Neige

18. Améliorer la visibilité et l’accessibilité de l’offre de montagne

19. Donner des fondations solides à l’attractivité de la montagne

20. Créer un observatoire du changement climatique en montagne

21. Créer un Fonds européen d’adaptation aux effets du changement climatique en montagne

Dans le rapport complet de l’ANEM, consultable sur internet (www.anem.org), toutes ces propositions sont minutieusement passées en revue. Chacune d’elles y est exposée sous plusieurs angles : description du projet et motifs, objectif(s), conditions de succès, coût et ressources.

 

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