Aravis ciné : le difficile passage au numérique
Olivier Masson a repris l’exploitation des cinémas du Grand-Bornand il y a deux ans. Le plus grand changement de ces prochaines années sera le passage au numérique, en plus de sauvegarder son activité face à la concurrence des DVD et Internet, entre autres.
La première particularité bornandine, qui a fortement aidé Olivier Masson, est que le matériel et les salles appartiennent à la commune mettant l’exploitation en délégation de service public ; délégation ouverte tous les six ans par un nouvel appel d’offres.
La seconde particularité est la période d’ouverture des salles, lors des saisons touristiques d’hiver et d’été. Passionné par le cinéma, Olivier Masson cherche avant tout à faire plaisir à son public et tente d’obtenir des copies de films en sortie nationale comme cet hiver avec le dernier Dany Boon, Rien à déclarer. «Cet été nous aurons le nouvel Harry Potter, mais en même temps j’essaie d’avoir des films plus “art et essai”.» Ainsi est programmé le film des frères Dardenne Le Gamin au vélo, en compétition à Cannes. Mais aussi Minuit à Paris de Woody Allen en version originale et en version française.
«Notre programmation doit contenter aussi bien les enfants que les seniors et les cinéphiles.» C’est là que le bât blesse. Les salles bornandines sont équipées de matériel pour des copies en 35 mm et de plus en plus de films sortent en numérique. D’ici à 2018 la pellicule pourrait bien avoir disparu. «Le 35 mm existe depuis plus de 100 ans. Le numérique, les distributeurs nous l’imposent parce que cela fait baisser leurs coûts. Une copie numérique revient à 200 € au lieu de 1 000 €. Mais pour nous ce sont des frais supplémentaires pour l’achat d’un nouveau matériel.» De l’ordre de 80 000 € pour équiper une cabine de cinéma en format numérique image (le son est déjà en numérique), auxquels il faudra ajouter des coûts d’adaptation de la cabine (climatisation obligatoire) et de maintenance informatique.
Des films différents chaque jour
Aussi, la commune a fait une demande d’aide auprès du Centre national du cinéma (CNC) et de la Région. Tout en sachant que l’aide du CNC est octroyée sous condition d’entrer dans certains critères, pour une subvention pouvant atteindre de 10% à 30% du coût total. De plus, les cinémas saisonniers de montagne n’avaient pas été prévus par le CNC.
Pour l’heure Olivier Masson se bat contre le chantage des distributeurs. «Depuis cet hiver, nous avons les grands films quatre semaines après leur sortie nationale parce que nous ne sommes pas équipés en numérique. Et nous avons de plus en plus de mal à obtenir des copies 35 mm qui se font de moins en moins.» Si le gérant admet que le format numérique a des avantages – coûts de transport qui n’existeront plus pour lui, programmation plus souple, image de meilleure qualité –, il voit surtout l’inéluctable arriver : «Le numérique sera obligatoire parce que les distributeurs ne feront plus de pellicule à partir de 2018. Le réseau de cinémas auquel j’appartiens va au numérique.» Mais en définitive rien n’est simplifié, en particulier pour les petits exploitants n’ayant que peu de marges de manœuvre face aux DVD lancés quatre mois après la sortie d’un film, Internet et le piratage. Olivier Masson voit tout de même le bon côté des choses. «Le cinéma fait partie de l’animation de la station. Au Chinaillon les vacanciers sont bien contents d’avoir au moins un cinéma comme animation. Je change les films tous les jours. Je suis content de pouvoir travailler au Grand-Bornand. Mais un cinéma ce n’est pas un commerce comme un autre, nous touchons à la culture. Nous essayons de jouer le jeu de la station, d’en faire partie et de faire en sorte que les gens soient satisfaits et qu’ils reviennent parce que le cinéma est sympa.»