Livres
Petit dictionnaire des expressions savoyardes, hors série de l’Almanach savoyard, 14 €
Le parler savoyard reprend des expressions du patois ou arpitan en les intégrant au français. C’est un parler populaire et encore très répandu récemment, de nombreux Savoyards comprenant et utilisant parfois sans le savoir certaines expressions devenues tics de langage : «t’y feras ou bien ?», «une grolle», «barjaquer» pour dire bavarder, «monchu» pour touriste, «la vogue» pour évoquer la fête annuelle au village, «chique» pour une chose sans valeur, «bisolet» comme un vent sec et froid.
Ce petit dictionnaire sans prétention créé pour célébrer les 70 ans de l’Almanach savoyard a le mérite de ramener au présent ce qui risque de disparaître définitivement : un parler et plus profondément un patois qui n’a toujours pas été reconnu comme langue régionale à l’instar du breton, du basque et du corse.
Toutes ces expressions rappellent aussi les anciens, ceux à qui on avait interdit de parler savoyard à l’école. C’est au final une langue imagée et fleurie, un peu rude, à l’image de cette terre qui l’a vue naître.
Dictionnaire des femmes alpinistes de Nanou Saint-Lèbe, éditions Pimientos, 25 €
Nanou Saint-Lèbe poursuit dans ce livre son œuvre de divulgation du rôle et de la place des femmes dans l’exploration des montagnes. Après ses deux ouvrages essentiels sur les Pyrénées, Les femmes à la découverte des Pyrénées, xviiie et xixe siècles (Privat, 2002) et Les premières féminines dans les Pyrénées, xxe siècle (Version Originale, 2012), elle élargit géographiquement et thématiquement son propos. Continuant par les Alpes et les autres montagnes d’Europe, elle aborde l’Himalaya et les Andes pour envisager finalement toutes les montagnes de la planète.
Voici donc la première édition de ce Dictionnaire des femmes alpinistes dans le monde. Il dévoile l’existence de 575 femmes auteurs de premières ascensions, parmi lesquelles, pour les plus anciennes, Rosalie Ramond Borgella (1793, Pyrénées) et Marie Paradis (1809, Alpes), et comporte plus de quatre cents notices détaillées. A côté des grands noms de l’alpinisme féminin, on y découvre une foule de grimpeuses inconnues ou oubliées.
Ce dictionnaire, ses chapitres introductifs et ses précieuses annexes sont une œuvre pionnière. Il n’en existe en effet aucun équivalent. C’est dire la difficulté de la tâche qui a consisté à en réunir les éléments dispersés dans de nombreuses revues et ouvrages à travers le monde. Au-delà de l’illustration et de la défense du rôle des femmes en montagne, cette œuvre apparaît aussi comme une contribution importante à la connaissance de l’alpinisme dans son ensemble.
Née au pied des Pyrénées centrales, Nanou Saint-Lèbe a jalonné ses longues marches de nombreux écrits. Citons parmi les derniers Cantilène du Chemin (Journal, Aubéron 2004), Les Neiges de l’Aneto (roman, Cairn, 2005), Vous avez dit chocards ? (essai, Gypaète, 2013). Elle collabore aux revues Pyrénées Magazine, Pyrénées, Respyr.
Au bout de la route, la vie, la mort... de Stafan Cieslar, éditions Glénat, 15,95 €
Stefan Cieslar, dans un style frais, imagé et poignant, nous invite, au travers de ses nouvelles, à vivre ses découvertes et ses émotions sur les sommets, du massif du Mont-Blanc jusqu’au Chili. Ces textes seront malheureusement les seuls laissés par cet auteur talentueux, fauché par une avalanche avec ses trois compagnons en Himalaya en 2006.
Qui ne cherche pas à fuir les platitudes du quotidien, à construire des rêves, des crêtes salvatrices ? La montagne est parfois une de ces réponses. Stefan Ciesla, tout à la fois alpiniste et guide de haute montagne, dans cet ouvrage regroupant neuf nouvelles et un poème, confie au papier, autre mur lisse et pourvu d’arêtes invisibles, sa relation complexe à la montagne.
Tout au long de ses récits, cette complexité balaie les stéréotypes liés à cette thématique : accomplissement, ivresse des sommets, maîtrise progressive de la pratique et de ses termes. Faisant un usage sobre et parfaitement intégré du lexique technique, le narrateur ne cesse d’interroger le sens de l’univers, à travers des espaces aussi variés que magiques : Chili, Argentine, Mont-Blanc, Oisans, Calanques, du littoral français aux hauteurs de Sarajevo. L’ascension n’est jamais là pour elle seule : elle convoque personnages, passé et présent sans oublier le monde des vallées. C’est ainsi que la solitude du grimpeur voisine souvent avec amitiés, amour ou simples rencontres le temps d’une course. Le motif obsédant du choix tresse chaque épisode : «choisir, c’est accepter de mourir». L’éblouissement à l’arrivée n’occulte jamais le sentiment aigu de fugacité ainsi que les doutes. Soif aussi d’ouvrir de nouvelles voies mais en s’appuyant sur le respect des prédécesseurs, en lui adjoignant l’analyse des possibles, surtout dans les moments critiques. La grimpe, telle une plaque photographique, fait office de révélateur. Mais cette «révélation» ne suffit pas, le narrateur se donne la nécessité de lire les événements, tout au moins de tracer a posteriori la «voie» de ceux qui ont disparu. Cela sans imposer sa vision mais en l’éclairant par le passé, les témoignages des proches. Ils sont là pour rappeler à l’auteur ses propres dilemmes, la «confluence» au cœur de toute existence.