Courrier des lecteurs - N°138 - Février/Mars 2020

Contre le SCoT

Faisant suite à l’ouverture de l’enquête publique concernant la révision partielle du schéma de cohérence territoriale (SCoT) sous l’égide de la Communauté de communes des vallées de Thônes, qui s’est déroulée du 7 décembre au 8 janvier, nous avons reçu un courrier de Madame Catherine Garrigue de Jouars-Pontchartrain (78) et résidente au Grand-Bornand. Il s’agit d’une lettre envoyée à la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.

« Madame la Ministre,

J’ai pris connaissance, lors de mon dernier séjour au Grand-Bornand (74), commune à laquelle je suis très attachée depuis de nombreuses années, du projet de révision du schéma de cohérence territoriale Fier-Aravis élaboré par la Communauté de communes des Vallées de Thônes. Ce schéma vient de faire l’objet d’une enquête publique et de très nombreux organismes officiels comme la Mission régionale d’autorité environnementale Auvergne Rhône-Alpes ou associatifs comme la FNE [NDLR : France nature environnement]ont à présent rendu leur avis.

Sans entrer ici dans des détails que vous pourrez aisément vous procurer par ailleurs, il s’agit essentiellement d’un projet de développement touristique nouveau d’un secteur géographique qui représente déjà actuellement quelque 70 000 lits et qui vise, avec quelque 8 UTN [NDLR : unités touristiques nouvelles, voir pages 4 et 5], à obtenir la marque “Grand Domaine Aravis” capable d’attirer une clientèle internationale.

Ces UTN comprennent notamment la création de complexes hôteliers, type Club Méditerranée, de 1 500 et 1 200 lits à La Clusaz, dans une combe vierge de la chaîne des Aravis et au Grand-Bornand, sur un plateau visible depuis le bas de la vallée de Thônes, la création de liaisons téléphériques inter-stations, sur des montagnes actuellement vierges de tout équipement et de pistes de ski qui vont nécessiter des hectares de déforestation, la création de plusieurs retenues lagunaires de 50 000 m3 destinées à fabriquer la neige artificielle, etc…

Les organismes cités plus haut, qui ont tous rendu un avis défavorable, soulignent un pari hasardeux tant sur le plan économique qu’environnemental, et une véritable « fuite en avant », dans le contexte de changement climatique. Leurs inquiétudes concernent notamment :

– l’absence d’étude d’impact sur la gestion de la ressource en eau. Déjà actuellement, une station comme Le Grand-Bornand, située à 1 100 m d’altitude, est obligée d’enneiger artificiellement par des canons à neige la quasi-totalité de son domaine skiable et la Coupe du monde de biathlon Annecy Grand-Bornand, qui a eu lieu en décembre dernier, n’a pu être organisée que grâce à de la neige fabriquée artificiellement durant l’hiver 2018-2019 et stockée tout l’été !

– l’absence d’étude d’impact paysager sur des sites encore vierges ;

– l’absence de données concernant les défrichements nécessaires ;

– le devenir des espaces naturels, agricoles et forestiers. De très nombreux agriculteurs, producteurs de reblochon qui pratiquent l’alpage estival, estiment que leur survie est réellement en jeu ;

– l’absence de traitement de la question des mobilités : le secteur des Aravis ne comprend aucun réseau autoroutier ni ferroviaire et une seule route, au départ de Thônes, mène aux deux stations du Grand-Bornand et de La Clusaz. Elle est déjà totalement saturée… et l’air parfois totalement pollué.

– Etc.

Il s’agit donc d’un projet de bétonisation et de mécanisation de la montagne, sous-tendu par une recherche de rentabilité toujours plus grande et totalement en décalage avec le changement climatique et les préoccupations environnementales actuelles. Si l’on a pu mener des projets similaires dans les années 1960, élaborer aujourd’hui un schéma de ce type est proprement criminel, d’autant qu’il existerait de multiples façons d’assurer un avenir dynamique à toutes ces stations, en réactivant, par exemple, les centaines de “lits froids” qui existent ou encore en cessant de tout miser sur le ski et en diversifiant l’offre de loisirs, ce que font à présent de très nombreuses communes.

Madame la Ministre, il n’est pas possible, aujourd’hui, de laisser se réaliser un tel projet. Ou bien nous mettons tout en œuvre pour préserver notre environnement et lutter contre le changement climatique, ou bien la volonté affichée du gouvernement n’est que communication et nous renonçons à préserver l’avenir de nos enfants. C’est la raison pour laquelle je me permets d’attirer aujourd’hui votre attention sur ce projet, en espérant que vous trouverez les moyens de lui donner un coup d’arrêt.

Je vous en remercie par avance et vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma considération respectueuse. »

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