Gérard Gignoux, bâtisseur et humaniste
À la suite du décès de Gérard Gignoux, Mireille Sertout a souhaité rendre hommage à l’architecte qui a contribué à la reconstruction de l’église de La Clusaz et a passé sa vie à bâtir des bâtiments ainsi qu’une humanité reconnue par tous.
Le 8 février 2022, dans l’année de ses 80 ans, Gérard Gignoux s’est éteint à Quintal où il vivait paisiblement dans une maison forte du xive siècle qu’il avait restaurée dans les règles de l’art pour lui redonner toute sa valeur patrimoniale. Bien qu’il fût très attaché à ce petit village au pied du Semnoz où il fut adjoint au maire et chanteur au sein de la chorale, c’est à La Clusaz que sa vie s’était accrochée.
Originaire d’Annecy, son parcours scolaire l’a d’abord amené à Chambéry puis à Grenoble dans la très réputée École nationale d’architecture qui a formé tant d’architectes, pionniers des premières stations de montagne. C’est ainsi que dans les pas de Chappis et bien d’autres, Gérard Gignoux a tracé son itinéraire professionnel, tout d’abord en travaillant dans l’Agence 3A à Grenoble à la sortie de ses 12 années d’études d’architecture complétées par des études de droit d’urbanisme. Mais une rencontre avec un architecte parisien, Pierre Lagache, installé tout à fait par hasard à La Clusaz, fut l’impulsion qui donna à sa vocation un véritable élan. Alors qu’il venait de créer son cabinet d’architecte à Annecy, AGN, Architecture Groupe Nouveau, Pierre était devenu pour lui bien plus qu’« un Maître » selon la désignation des élèves des Beaux-Arts, « un père spirituel ». Animés par les mêmes passions qui allaient bien au-delà de l’architecture, la peinture, le dessin, la musique et « la fête ». Leur amitié s’est forgée dans cette ambiance des années 60 où les nuits se prolongeaient jusqu‘au petit matin, au Pêle, à l’Igloo ou à l’Ecluse avec « les patriarches » de La Clusaz qui se projetaient déjà dans un avenir prometteur. La montagne était en plein essor. Yves Pollet-Villard, par sa notoriété, était l’ambassadeur par excellence, ensuite Guy Périllat. À l’hôtel Beauregard, la famille Lavorel accueillait des ministres, des présidents dont Giscard d’Estaing. Le village n’avait pas d’entité, il fallait alors créer un centre conçu en fonction de son économie touristique. C’était le premier grand projet dont Gérard fut chargé, « la rénovation du centre » avec des boutiques, des bars… Très vite La Clusaz attirait de plus en plus de vacanciers. Le promoteur Schnebelen l’appela pour achever les plans de la piscine à La Perrière, qu’il continuera à améliorer au fil des ans. Il enchaînait les plans de chalets pour des particuliers, de collectifs, comme « Les Airelles » avec son ami Bernard Sertout. On lui doit également le cinéma. Mais l’œuvre qui marqua sa vie fut la reconstruction de l’église Sainte-Foy de La Clusaz. Avec Marc Neyrinck son associé et Pierre Lagache, il entreprit une déconstruction de l’église pour ne conserver que son clocher. Un véritable défi ! Construire une église moderne qui allie le patrimoine du passé à celui de la modernité. Unique, elle est aujourd’hui le lieu emblématique qui réunit habitants, résidents et vacanciers pour partager les joies et les peines de la vie du village. Gérard disait à propos de Pierre Lagache que La Clusaz lui devait beaucoup car il avait su humblement garder le caractère traditionnel du bâti à une époque où certains architectes faisaient « du moderne ». Sans aucun doute Gérard a perpétué son art en bâtissant de nouveaux rêves à partir de la réalité pour une montagne humaine.
En 1971, Gérard épousait Chantal Duraz. Son étude AGN avait gagné en notoriété. Ses interventions dépassaient Le Grand-Bornand où il aimait travailler avec son ami André Perrillat-Amédé, le maire, et la vallée des Aravis. Mais le chalet familial de La Clusaz restait son refuge où il retrouvait ses parents, sa sœur Odile et ses frères Denis et Laurent, avant de reprendre le chalet de Pierre Lagache. Cette belle réussite s’est assombrie le jour où il a perdu son fils David à l’âge de 19 ans. Entouré de ses proches et de ses amis qui affectionnaient sa chaleur humaine, il survécut à sa peine en continuant à dessiner, à concevoir des maisons, des quartiers avec le même regard d’un artiste et la même rigueur d’un technicien. Comme un dernier hommage à son fils David, il a construit une église, Notre-Dame de l’Annonciation, à Cran Gévrier, en 1994, sur un terrain qui avait été donné à l’église par son grand-père Pierre Callies.
Nous nous souviendrons de Gérard, un homme discret et foncièrement respectueux des autres, et ceux qui ont travaillé avec lui n’oublieront pas le contact de confiance et d’amitié qui le caractérisait.
M. S.
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