Histoire - N°81 - Août/Septembre 2010
La zone franche
La grande zone
franche savoyarde résulte du rattachement de la Savoie
à la France en 1860. Si une zone franche existait avant
cette date elle se limitait au pourtour de Genève et
permettait des liens commerciaux privilégiés entre
les Savoyards du nord et le canton de Genève.
En 1860, lors du plébiscite décidé entre l’Empire français et le tout nouveau royaume d’Italie pour céder la Savoie à la France, il est envisagé que la zone franche existante autour de Genève soit étendue aux provinces savoyardes limitrophes de Genève, le Chablais et le Faucigny, ainsi qu’à une partie du Genevois. Les discussions portent sur les limites exactes de cette zone et lors du vote de la population il est prévu, en plus des bulletins «oui» ou «non», d’ajouter un «oui et zone».
Lors du référendum des 22 et 23 avril 1860, les communes des Aravis votent comme toute la Savoie mais n’apparaissent pas très motivées par cette zone franche. Ainsi au Grand-Bornand, sur 447 votants, 19 voix vont au «oui et zone».
«En mai, il est encore question que la ligne douanière soit tirée du pont des Enterroits jusqu’aux limites de Megève, mettant toute la commune du Grand-Bornand et une partie de celles de Saint-Jean-de-Sixt et de La Clusaz dans la zone franche», explique Pierre Baugey (*). Le conseil communal de Thônes s’élève alors contre ce partage du canton de Thônes qui nuirait gravement au commerce dans la vallée.
Le décret-loi impérial du 12 juin 1860 crée la grande zone franche et en fixe les limites douanières. Cette zone comprend les nouveaux arrondissements de Thonon, Bonneville, Saint-Julien et une partie de celui d’Annecy. Les communes du Grand-Bornand, de La Clusaz et de Saint-Jean-de-Sixt se trouvent coupées en deux par une ligne douanière de manière arbitraire. Pour Pierre Baugey, «ce dispositif met par exemple le village du Grand-Bornand hors zone alors que les Côtes, les hameaux de la Forclaz, du Mont, la moitié du village du Chinaillon, la Duche, Lormay, la moitié est du village des Plans y sont intégrés». Un bureau des douanes est installé à Saint-Jean-de-Sixt ; il reçoit les déclarations et gère les affaires administratives et fiscales. Deux postes des douanes sont disposés, l’un au Chinaillon et l’autre aux Plans, chargés de la surveillance.
«On peut imaginer les problèmes posés aux agriculteurs propriétaires bornandins des deux côtés de la ligne pour les remues des troupeaux au printemps et en automne, pour la vente des produits de la ferme au marché du mercredi et l’achat des fournitures au village quand ils se trouvaient l’été en zone, souligne Pierre Baugey. Ainsi les procédures de passage sont ubuesques à propos du transfèrement des troupeaux.»
Mais les Bornandins trouvent quand même des intérêts à la zone car ils ont pu obtenir, au motif que la plus grande partie de la commune est dans la zone, que le bureau de tabac du village (hors zone) ait l’autorisation de vendre à prix réduits le tabac et les allumettes. Cette situation favorisant une grande consommation, le bureau de tabac se trouve rapidement en rupture de stock, dépassant le quota autorisé. Pour appuyer le relèvement du quota, la municipalité souligna qu’il y avait plus de 600 fumeurs au Grand-Bornand.
De même, les échanges commerciaux (vente de fromages, de volailles, de bestiaux, de fourrage et achat de divers denrées ou matériels pour l’exploitation de la ferme) des Bornandins habitant en zone (et les autres...) vont s’intensifier au fil du temps avec le Faucigny, la vallée de l’Arve et Genève.
D’ailleurs en 1891, se faisant l’interprète de toute la population, le conseil municipal sollicite de l’administration des douanes qu’elle modifie la ligne de zone de telle manière que toute la commune soit en zone franche en ramenant la limite douanière du point du pont des Etroits directement jusqu’à la Giettaz.
La ligne douanière évolue par la loi du 31 mars 1899, pas dans le sens de la volonté des Bornandins. Elle suit la limite de l’arrondissement de Bonneville. Les contours de la grande zone se reportent à la limite des cols de la Colombière et des Annes, mettant la commune du Grand-Bornand hors zone.
L’activité économique prend une autre dimension avec la proximité de la zone favorisant les échanges commerciaux (légaux ou non), la fréquentation des bistrots et auberges et le dépôt des marchandises.
En 1923, le gouvernement décide de supprimer la grande zone.
(*) Pierre Baugey est l’auteur, avec Gérard Bastard-Rosset, Florence Baugey et Nathalie Favre-Bonvin, de l’ouvrage «Le Grand-Bornand au fil du temps», à paraître au mois de décembre (cf. JdP n° 80).
Illustration : Les douaniers au pont de la douane (pont des Etroits), collection G. Bastard.
En 1860, lors du plébiscite décidé entre l’Empire français et le tout nouveau royaume d’Italie pour céder la Savoie à la France, il est envisagé que la zone franche existante autour de Genève soit étendue aux provinces savoyardes limitrophes de Genève, le Chablais et le Faucigny, ainsi qu’à une partie du Genevois. Les discussions portent sur les limites exactes de cette zone et lors du vote de la population il est prévu, en plus des bulletins «oui» ou «non», d’ajouter un «oui et zone».
Lors du référendum des 22 et 23 avril 1860, les communes des Aravis votent comme toute la Savoie mais n’apparaissent pas très motivées par cette zone franche. Ainsi au Grand-Bornand, sur 447 votants, 19 voix vont au «oui et zone».
«En mai, il est encore question que la ligne douanière soit tirée du pont des Enterroits jusqu’aux limites de Megève, mettant toute la commune du Grand-Bornand et une partie de celles de Saint-Jean-de-Sixt et de La Clusaz dans la zone franche», explique Pierre Baugey (*). Le conseil communal de Thônes s’élève alors contre ce partage du canton de Thônes qui nuirait gravement au commerce dans la vallée.
Le décret-loi impérial du 12 juin 1860 crée la grande zone franche et en fixe les limites douanières. Cette zone comprend les nouveaux arrondissements de Thonon, Bonneville, Saint-Julien et une partie de celui d’Annecy. Les communes du Grand-Bornand, de La Clusaz et de Saint-Jean-de-Sixt se trouvent coupées en deux par une ligne douanière de manière arbitraire. Pour Pierre Baugey, «ce dispositif met par exemple le village du Grand-Bornand hors zone alors que les Côtes, les hameaux de la Forclaz, du Mont, la moitié du village du Chinaillon, la Duche, Lormay, la moitié est du village des Plans y sont intégrés». Un bureau des douanes est installé à Saint-Jean-de-Sixt ; il reçoit les déclarations et gère les affaires administratives et fiscales. Deux postes des douanes sont disposés, l’un au Chinaillon et l’autre aux Plans, chargés de la surveillance.
«On peut imaginer les problèmes posés aux agriculteurs propriétaires bornandins des deux côtés de la ligne pour les remues des troupeaux au printemps et en automne, pour la vente des produits de la ferme au marché du mercredi et l’achat des fournitures au village quand ils se trouvaient l’été en zone, souligne Pierre Baugey. Ainsi les procédures de passage sont ubuesques à propos du transfèrement des troupeaux.»
Mais les Bornandins trouvent quand même des intérêts à la zone car ils ont pu obtenir, au motif que la plus grande partie de la commune est dans la zone, que le bureau de tabac du village (hors zone) ait l’autorisation de vendre à prix réduits le tabac et les allumettes. Cette situation favorisant une grande consommation, le bureau de tabac se trouve rapidement en rupture de stock, dépassant le quota autorisé. Pour appuyer le relèvement du quota, la municipalité souligna qu’il y avait plus de 600 fumeurs au Grand-Bornand.
De même, les échanges commerciaux (vente de fromages, de volailles, de bestiaux, de fourrage et achat de divers denrées ou matériels pour l’exploitation de la ferme) des Bornandins habitant en zone (et les autres...) vont s’intensifier au fil du temps avec le Faucigny, la vallée de l’Arve et Genève.
D’ailleurs en 1891, se faisant l’interprète de toute la population, le conseil municipal sollicite de l’administration des douanes qu’elle modifie la ligne de zone de telle manière que toute la commune soit en zone franche en ramenant la limite douanière du point du pont des Etroits directement jusqu’à la Giettaz.
La ligne douanière évolue par la loi du 31 mars 1899, pas dans le sens de la volonté des Bornandins. Elle suit la limite de l’arrondissement de Bonneville. Les contours de la grande zone se reportent à la limite des cols de la Colombière et des Annes, mettant la commune du Grand-Bornand hors zone.
L’activité économique prend une autre dimension avec la proximité de la zone favorisant les échanges commerciaux (légaux ou non), la fréquentation des bistrots et auberges et le dépôt des marchandises.
En 1923, le gouvernement décide de supprimer la grande zone.
(*) Pierre Baugey est l’auteur, avec Gérard Bastard-Rosset, Florence Baugey et Nathalie Favre-Bonvin, de l’ouvrage «Le Grand-Bornand au fil du temps», à paraître au mois de décembre (cf. JdP n° 80).
Illustration : Les douaniers au pont de la douane (pont des Etroits), collection G. Bastard.
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Courrier des lecteurs
Faisant suite à l’ouverture de l’enquête publique concernant la révision partielle du schéma de cohérence territoriale (SCoT) sous l’égide de la Communauté de communes des vallées de Thônes, qui s’est déroulée du 7 décembre au 8 janvier, nous avons reçu un courrier de Madame Catherine Garrigue de Jouars-Pontchartrain (78) et résidente au Grand-Bornand. Il s’agit d’une lettre envoyée à la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.
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