Reblochon : 50 ans d’AOC
Le fameux fromage à pâte molle et au lait cru fête en 2008 les 50 ans de son appellation d’origine contrôlée (AOC). Si la production a fortement augmenté depuis 1958, les défis ne manquent pas pour sauvegarder le fleuron des Aravis.
«Au XIIIe siècle, les alpagistes payaient l’alpage au prorata de leur production, rappelle Michel Berthet (photo), président du syndicat interprofessionnel du reblochon (SIR) depuis six ans. C’est pour payer moins de taxes qu’ils ont commencé à ne traire qu’à moitié. Puis, quand le propriétaire était passé, ils effectuaient une seconde traite et fabriquaient des petits fromages qu’ils ne pouvaient pas vendre. C’était donc pour la consommation familiale. Lorsque cela s’est découvert, les propriétaires ont trouvé un succulent fromage et, en plus de la location, les alpagistes ont rajouté quelques fromages. Plus près de nous dans le temps, les nouvelles voies de communication ont permis de le vendre dans la région. Cette fraude à la naissance d’un fromage est ce qui lui a donné un tel succès par la suite. Maintenant, ce fromage fait vivre nos vallées depuis plus d’un siècle.»
Le reblochon n’est pas comme un beaufort par exemple, il ne se conserve pas. «Ensuite, il fallait le mettre en valeur et trouver des débouchés pour le commercialiser.» En août 1958, le reblochon obtient son AOC. «L’obtention de ce label a permis d’organiser le marché et d’avoir une connaissance sur la production», souligne le président. A cette époque, 400 à 500 tonnes de reblochon sont produites chaque année. Cinquante ans plus tard, ce sont 17 000 t dont 3 000 t de reblochon fermier, pour 1 850 producteurs de lait (dont 160 pour le fermier). La production du reblochon laitier est «limitée par les quotas laitiers depuis 1984». Cette production dans son ensemble est plutôt à la baisse ou stable. «Depuis la sécheresse de 2003, les producteurs de fermier se sont imposé un contingentement. C’est un fromage à courte durée de vie et nous ne pouvons pas réguler les stocks. Il est aussi très difficile de faire coller la production et la consommation. Et puis, en été par exemple, des écarts de température peuvent faire chuter la production de 100 litres sur un troupeau de 50 laitières. Dans l’ensemble le nombre de producteurs diminue, mais c’est à mettre en parallèle avec les changements de l’agriculture et les associations d’agriculteurs plus importantes. En fait, la production a augmenté jusqu’en 2005 puis elle a diminué en raison de la baisse de la production du laitier. Cela est vrai surtout en 2007 et 2008 avec le changement de climat.»
Dans tous les cas, l’AOC a permis de délimiter la zone de production. «Avant il pouvait être fabriqué n’importe où.» Et si certains, dans d’autres régions françaises ou même à l’étranger, ont l’idée de fabriquer du reblochon, la répression des fraudes est très vite avertie. «On ne fait pas ce que l’on veut avec la zone de production.» Le cahier des charges de l’AOC «est un document sur lequel nous travaillons en permanence». Ainsi, si le dernier date de 1999 (cf. ci-contre), un nouveau texte est en gestation. «Il aurait dû être signé en 2006. J’espère qu’il le sera début 2009. Ce nouveau texte précisera certains points comme l’obligation de pâturage de 120 jours. Jusqu’à présent, il y a juste une obligation de faire pâturer sans nombre de jours obligatoires.» Ces nouvelles règles sont là pour une valorisation supplémentaire du produit. Une valorisation qui passe aussi sur le prix du litre de lait vendu : plus 0,10 € par litre pour celui se trouvant dans la zone reblochon.
Les enjeux
La guerre entreprise par de grands groupes agroalimentaires contre la fabrication de fromages au lait cru est loin d’être terminée. Michel Berthet en sait quelque chose. «Nous travaillons le lait cru, c’est toute la partie sanitaire qui est en jeu.» Mais pour le président du SIR, le plus important reste la qualité. «Le service technique travaille à faire évoluer la qualité. C’est compliqué mais nous sommes en bonne voie. Pour le reblochon laitier, il y a une meilleure homogénéisation parce que le lait est à la base mélangé. Pour le fermier, nous pourrions prétendre avoir des produits pour tous les goûts. Il y a des différences du nord au sud du département, des différences de terroir. Il y a aussi le savoir-faire et le soin apporté à la mise en cave.»
Pour l’heure, les agriculteurs sont surtout contraints de subir les augmentations de leurs charges (carburant, électricité, nourriture pour le bétail). «Les marges diminuent et les producteurs vivent de plus en plus mal. Et une grosse majorité ne fait que du reblochon.»
L’AOC apparaît comme un gage pour l’avenir. «Elle permet de maintenir une activité locale. Elle est reconnue au niveau de l’Europe. Nous attendons un peu de celle-ci mais beaucoup de la jeune génération pour s’impliquer dans l’AOC et transmettre aux générations futures.»
La production de reblochon, c’est 3 000 emplois directs, «plus toute une partie indirecte difficilement chiffrable comme l’industrie agricole». Pour le président, «cette production a pu faire vivre correctement l’agriculture du département. Après les 50 ans, j’espère que nous fêterons les 100 ans de l’AOC reblochon.»
Fermier ou laitier
Le reblochon fermier est fabriqué deux fois par jour avec le lait du troupeau de l’agriculteur. Il porte la fameuse pastille verte de caséine.
Le reblochon laitier est fabriqué une fois par jour en laiterie où les exploitants apportent leur lait. Il porte une pastille rouge de caséine.
Les obligations de l’AOC
Le dernier décret relatif à l’appellation d’origine contrôlée «Reblochon» et «Reblochon de Savoie» date du 15 novembre 1999. Il définit le type et la description du fromage dans sa forme habituelle ainsi que le «Petit Reblochon».
L’article 2 décrit l’aire de production. Elle représente les neuf dixièmes de la Haute-Savoie à l’exception des bords du lac Léman et de la partie la plus à l’ouest du département. Elle s’étend de l’arrondissement d’Annecy, aux cantons de Thônes, de Faverges, de Thorens-Glières et de Bonneville dans leur ensemble, jusqu’à une partie de l’arrondissement de Saint-Julien et de celui de Thonon. Cette aire de production comprend également une grande partie de l’arrondissement d’Albertville en Savoie dont le Val d’Arly.
Il est précisé que «la fabrication, l’affinage et le conditionnement des fromages peuvent être effectués dans des lieux différents, mais exclusivement à l’intérieur de l’aire géographique délimitée».
Le lait utilisé pour la fabrication doit provenir de troupeaux laitiers composés de vaches de races locales, abondance, montbéliarde et tarine, c’est le début de l’article 3. Ce même article stipule encore que «tout produit d’ensilage et autres produits fermentés, y compris les balles enrubannées, sont interdits sur les exploitations produisant du lait destiné à la transformation en reblochon». Et que «l’alimentation du troupeau doit être assurée essentiellement par des fourrages provenant de l’aire géographique de l’appellation. Elle est constituée d’herbe pâturée durant la période estivale et de foin distribué à volonté durant la période hivernale.»
Le lait utilisé pour la fabrication du reblochon ne peut provenir que des races tarine, abondance ou montbéliarde.
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